MINGA S. SIDDICK

Depuis le début de la transition malienne, des journaux ont ouvertement déclaré la guerre aux militaires. Ce qui n’est pas anormal a priori, vu que prendre le pouvoir par les armes est toujours contestable. Même si on devrait faire l’effort, dans chaque situation donnée, de ne jamais juger indépendamment du contexte déclencheur. Mais vu que cet exercice d’appréciation par une contextualisation rationnelle n’est pas aisé pour le commun des mortels, on ne peut que comprendre ceux pour qui n’importe quelle prise de pouvoir en dehors des voies constitutionnelles, est démoniaque -sachant qu’on observe là parfois, des fluctuations en fonction des intérêts. Seulement que, avec du recul, on peut toujours se raviser en trouvant, malgré tout, des circonstances atténuantes à tel ou tel coup d’État, à travers des critères objectifs non perçus au départ.

Hélas, ils sont quelques uns à se lancer dans une condamnation systématique, absolue et aveugle, du coup de force des Cinq colonels, comme si c’était un acte spontané de défiance et de déviance parti de nulle part dans le seul but de changer pour changer.

Jusque-là, je comprends toujours ces jeunes journalistes qui, pour la plupart, prennent les faits bruts et les analysent au premier degré, sans le moule contextuel et sans ce brainstorming si nécessaire dans la profession car, avant et après tout, le journalisme reste un métier intellectuel. Oui, je les comprends, parce que je comprends aussi le contexte du choix de la profession pour beaucoup. Même s’il y en a qui, bien qu’arrivés dans le métier par accident ou par effraction, ont dû apprendre avec le temps, ses normes et ses exigences qu’ils font l’effort de respecter, avec engagement et responsabilité.

Donner une information est éminemment sensible. Surtout pour ceux chargés des éditoriaux, des chroniques et autres billets qui, au-delà de la dose de subjectivité qui leur est inhérente, sont destinés à informer et à orienter les opinions.

Si les journalistes qui s’empêtrent dans la mésinformation peuvent être compris parce qu’ils sont pour la plupart de bonne foi et croient qu’ils sont en train d’informer alors qu’ils diffusent des contre-vérités, les journalistes qui choisissent la désinformation sont dangereux pour l’équilibre social. Oui. Très dangereux. En effet, ces derniers, de manière consciente et calculée, tronquent les informations et ne diffusent que les morceaux choisis qui protègent leurs intérêts et/ou ceux de leurs mentors cachés ou connus.
Et ces journalistes sont très reconnaissables aujourd’hui dans le traitement de l’information sur le Mali.

Foncièrement opposés aux Cinq colonels, depuis leur prise de pouvoir pour les uns et depuis la nomination de Choguel Kokalla Maïga comme Premier ministre pour les autres, ils ne font ressortir que ce qu’ils trouvent négatifs dans la gouvernance des autorités de la transition et trouvent toujours à redire, même autour de leurs actions les plus populaires et les plus éclatantes.

Mais je vais me focaliser sur quelques exemples de désinformation depuis les sanctions de la CEDEAO.

Aujourd’hui, pendant que certains déclarent que les populations qui sont sorties ont été manipulées, achetées ou forcées à le faire, d’autres trouvent que la plupart des manifestants sont sortis plus pour les sanctions que pour soutenir les militaires. Soit. Mais, ils passent tous sous silence la réaction patriotique des populations face au mépris de la France qui piétine le Mali. Ils font comme si pour eux, cet aspect du contexte n’était pas important. Et pourtant, si la plus grande partie des Maliens est sortie, si de nombreux autres jeunes d’autres pays africains sont sortis, c’est avant tout pour désavouer la France et son diktat.
Alors, ces désinformateurs accusent les militaires de vouloir s’accrocher au pouvoir à travers des subterfuges qu’ils ne démontrent pas de façon logique et rationnelle, eux qui accusent les pro-transition d’être dans l’émotion.
Aucun d’entre eux n’évoque le fait que ces sanctions ne sont ni légales ni légitimes, au regard des textes mêmes des institutions qui sanctionnent.
Aucun d’entre eux ne s’indigne du fait que l’UEMOA dont ni le Nigeria, ni le Ghana ne sont membres se retrouve à Accra pour sa déclaration.
Aucun d’entre eux ne parle des déclarations ouvertement mensongères de la France aux Nations unies, dans le but que cette organisation entérine les sanctions et durcisse le ton avec le Mali.
Ils n’écrivent rien pour faire comprendre à leurs lecteurs, que Wagner n’est pas au Mali, mais des instructeurs russes sur la base d’un accord d’Etat à Etat.
Ils ne félicitent pas les autorités de la transition pour les incommensurables efforts faits pour booster les capacités de l’armée malienne qui engrange de nombreuses victoires actuellement sur le front.
Non. Les désinformateurs n’ont pas intérêt à donner la moindre information qui puisse rendre les militaires crédibles ou accroître leur capital sympathie auprès de la population. Et les discours audacieux que font certaines autorités de la transition par réaction à des propos ou à des actes insultants ou humiliants pour le Mali, perpétuant le néocolonialisme et menaçant la souveraineté nationale, les désinformateurs n’y voient pas un sursaut d’orgueil patriotique indispensable à tout peuple à un moment de son histoire, mais il y voient du populisme.

C’est bien dommage que nous en soyons arrivés là. Nous mettre à l’écart d’un mouvement patriotique populaire, juste par mépris personnel ou juste pour plaire à ceux dont nous sommes les missionnaires, parce que nous avons choisi d’être des plumitifs mercenaires.
Cela dit, chacun est responsable de ses choix. Il y a belle lurette que l’objectivité est morte sur l’autel de la vénalité et que le bon vieux bon sens cartésien s’est démultiplié pour que chacun puisse avoir son propre bon sens. Descartes est vraiment mort et aujourd’hui son odeur nous empoisonne !

MINGA S. SIDDICK